| Lors du premier tour de la présidentielle, les 4
804 713 électeurs qui ont choisi de voter Jean-Marie Le Pen ne sont pas
tous des sympathisants d'extrême droite ou du Front national. L'analyse
détaillée de l'électorat frontiste indique qu'il est très semblable à
celui de 1995, tout en se renforçant et en se diversifiant dans sa
composition. | |
| Comme en 1995 … Le
vote Le Pen est un vote beaucoup plus masculin que féminin. Jean-Marie
Le Pen enregistre d'excellentes performances chez les plus jeunes des
électeurs ; il parvient même à arriver en tête du vote au premier tour
dans cette catégorie. On constate par ailleurs que jamais le vote
ouvrier n'avait été aussi puissamment orienté en faveur du leader du
Front national : 30% des ouvriers ont voté pour lui (ils étaient 27% en
1995 et 16% en 1988. L'électorat de Le Pen est important dans les
milieux modestes et défavorisés : 23% des Français qui déclarent
bénéficier de revenus modestes ont voté pour lui. Ses scores sont
toutefois également significatifs dans des catégories plus moyennes. La
France de Le Pen est aussi très présente dans des lieux
traditionnellement ancrés à droite : en milieu rural, dans le monde des
petits commerçants, des artisans ou des professions indépendantes. L'électorat de Jean-Marie Le Pen version 2002 montre aussi d'importantes évolutions. Il
serait en effet trop simple de croire que les Français qui votent Le
Pen sont tous issus de milieux populaires ou défavorisés. Jean-Marie Le
Pen enregistre des performances élevées parmi les salariés, du secteur
public comme du secteur privé. (17% en moyenne). Son score chez les
cadres est loin d'être anecdotique (8%). Ces performances sont
transgénérationnelles : il obtient un score équivalant dans toutes les
classes d'âge. Le Pen 2002 montre désormais sa capacité à recruter
au-delà la sphère d'influence traditionnelle du Front National. On note
ainsi que près de 20% de l'électorat de la droite RPR-UDF des
législatives de 1997 a choisi de voter Le Pen le 21 avril dernier ; 13%
des électeurs d'Edouard Balladur de 1995 ont voté Le Pen en 2002. Et
au-delà de la droite, les scores de Jean-Marie Le Pen parmi les
sympathisants de gauche ne sont pas non plus négligeables : 7% d'entre
eux ont voté pour lui le 21 avril. Tout
semble se passer comme si Le Pen était parvenu, à l'occasion de ce
premier tour, à cristalliser autour de lui la France du refus et de
l'exaspération. L'insécurité est bien évidemment le premier motif de
vote des électeurs Le Pen. Mais plus largement, le président du FN
apparaît comme le candidat qui a le mieux réussi à se montrer proche de
leurs préoccupations. Le vote Le Pen est encore une réaction
anti-conventionnelle, en guise d'avertissement au système de
gouvernement, gauche-droite confondues. Les électeurs de Jean-Marie
Le Pen ont souhaité exprimer une attente extrêmement forte sur tous les
sujets qui touchent à l'insécurité et à l'intégration des immigrés.
L'opposition à la mondialisation économique est aussi très présente
dans leur discours. Ils montrent également une très forte réticence aux
évolutions récentes de la société française : ils sont par exemple,
pour les deux tiers d'entre eux, hostiles au Pacs. Aux valeurs
partagées par une majorité de Français comme la tolérance et la
liberté, les électeurs Le Pen répondent par un triptyque qui les
démarque sensiblement des électorats traditionnels de la gauche et de
la droite : travail (65%), justice (42%), patriotisme (40%). Le réflexe
national est aujourd'hui le vecteur majeur de la motivation de cet
électorat. L'électorat frontiste se démarque enfin par une très
grande fidélité, preuve de sa détermination. Plus de 80% des électeur
de Jean-Marie Le Pen qui avaient choisi de voter pour lui en 1995
confirment leur choix sept ans plus tard, alors que la fidélité à
Jacques Chirac et à Lionel Jospin ne dépasse guère les 50%. A bien des
égards le vote Le Pen est le vote d'une population inquiète et
angoissée face à une société qui change, pour elle, trop vite. La
force de Le Pen, dimanche prochain encore, serait d'apparaître comme le
réceptacle de tous les refus à l'égard d'un système politique qui donne
l¹impression à beaucoup de ses électeurs de ne pas prendre en compte -
et depuis trop longtemps- leurs préoccupations.
FN63
L'électorat Le Pen | Ils ont voté Le Pen | Ce qu'ils pensent | 21% des hommes 16% des 18-24 ans 30% des ouvriers 20% des agriculteurs 14% des professions intermédiaires 17% des salariés 38% des chômeurs 15% des étudiants 22% des titulaires du baccalauréat 23% des personnes bénéficiant d'un revenu modeste 11% des sympathisants RPR 7% des sympathisants de gauche 13% des proches de l'extême gauche 19% des proches d'aucun parti 18% des électeurs RPR/UDF aux législatives de 97 13% des électeurs de Balladur en 1995 | Insécurité 75% éprouvent pour eux-mêmes, dans leur vie quotidienne, un sentiment d'insécurité (contre 52% dans l'ensemble) 92% favorables au rétablissement de la peine de mort (52,1% opposés dans l'ensemble) Economie et Social Travail : 99% d'évocations positives 35 heures : 66% d'opinions négatives Syndicats : 49% d'évocations négatives 58% jugent qu'il y a trop de fonctionnaires "Bourse" : 63% d'évocations négatives Religion La religion évoque qq chose de négatif à 63% d'entre eux Islam : 88% de jugements négatifs Le PACS évoque quelque chose de négatif à 68% d'entre eux 79% contre l'adoption d'enfants par les couples homosexuels Nation Patriotisme : 79% d'évocations positives 59% ont une mauvaise opinion de l'Europe Inquiétude 53% ont le sentiment que la société évolue trop vite pour eux 30% ont le sentiment d'appartenir aux classes défavorisés et populaires, 40% aux classes moyennes inférieures 43% pensent que leur niveau de vie va diminuer dans les années à venir Valeurs 3 principales : Travail (65%) - Justice (42%) - Patriotisme (40%) (4ème : Tradition : 31%)
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